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mardi 26 mars


Accueil > Équipes scientifiques > Surfaces, Interfaces, Molecules & 2D Materials (SIM2D) > Diffraction d’atomes rapides > GIFAD

Un nouvel outil de suivi temps réel pour optimiser et fiabiliser les procédés de production de dispositifs électroniques à haute valeur ajoutée

La révolution qu’ont connue les télécommunications dans les dernières décennies prend ses racines dans le développement dans les années 1970 de techniques de croissance épitaxiale (où la structure cristalline du film est déterminée par celle du substrat) telle que l’épitaxie par jets moléculaires (EJM). L’EJM, utilisée pour la fabrication de dispositifs optiques (lasers, détecteurs, routeurs) ou électroniques haute fréquence pour les réseaux de communications mobiles, permet de produire de manière contrôlée des assemblages de semi-conducteurs sous forme de couches minces cristallines de très grande pureté. Cette technique doit son succès à un outil, la diffraction d’électrons de haute énergie (RHEED), permettant de suivre en temps réel la croissance du film et sa qualité cristalline. Des progrès supplémentaires dans les procédés EJM pourraient venir d’innovations dans les outils de suivi temps réel. Dans cette perspective, des chercheurs de l’ISMO et de l’INSP (Institut des Nanosciences de Paris) ont mis au point une nouvelle technique, fondée sur la diffraction d’atomes rapides, baptisée GIFAD pour Grazing Incidence Fast Atom Diffraction. Ces auteurs ont démontré la capacité de GIFAD à suivre la croissance couche-par-couche de semi-conducteurs et d’identifier, par comparaison à des calculs quantiques, le réarrangement périodique des atomes de la surface. Toute aussi simple d’utilisation que le RHEED, GIFAD est néanmoins bien plus sensible à la couche en cours de croissance, un atout clef pour la mise au point des procédés d’élaboration des dispositifs de prochaine génération.

Un prototype de GIFAD a été installé sur un bâti commercial pour la croissance par jets moléculaires (fig. 1a). Dans une géométrie similaire à celle du RHEED, c’est-à-dire à des angles d’incidence rasants inférieurs à 2°, cet outil est 100% compatible avec les machines EJM commerciales. Dans cette géométrie rasante, la diffusion d’atomes d’hélium d’énergie de l’ordre du keV est non destructive et permet une sensibilité exclusive à la dernière couche du matériau en cours de croissance. Les images de diffraction (fig. 1b) fournissent la période et la forme (corrugation) du potentiel d’interaction entre l’hélium et les atomes de surfaces, cette donnée est directement liée au profil de densité électronique telle que la mesure un microscope à force atomique (AFM). GIFAD reste opérationnelle jusqu’à des températures de l’ordre de 650°C.

Figure 1

Fig. 1.

(a) Schéma du dispositif GIFAD installé sur le bâti d’épitaxie à l’INSP, la source d’atomes rapides se trouve à gauche et le détecteur à droite.

(b) Sous incidence rasante, la diffusion d’atomes n’est sensible qu’à la corrugation de la surface dans la direction transverse au faisceau.

Les résultats obtenus sur l’homoépitaxie de GaAs ont été publiés dans Applied Physics Letters [1]
. Pendant la croissance couche-par-couche, la rugosité de la surface varie de manière oscillatoire au fur et à mesure que des îlots se forment, grandissent et fusionnent. Cette rugosité est minimale lorsqu’une couche est complète, menant à une réflectivité maximale du faisceau d’atomes. La séquence ci-dessous, enregistrée à un taux d’une image par seconde, montre la variation d’intensité diffractée ; chaque maximum correspond à la complétion d’une couche ; on peut ainsi compter 38 couches. La forme amortie de l’enveloppe du signal indique un écart par rapport à une croissance idéale en couche par couche ; à la fin de la croissance, on observe une remontée de la réflectivité due au lissage de la surface par diffusion lente des molécules additionnelles. Contrairement aux mesures effectuées en RHEED, ici la phase et l’amplitude des oscillations ne dépendent ni de l’énergie du faisceau, ni de l’angle d’incidence. De plus tous les ordres de diffraction oscillent en phase car ce sont les défauts topographiques (principalement les bords de marche) qui gouvernent la variation de réflectivité. GIFAD est donc particulièrement robuste dans la mesure de la rugosité à l’échelle atomique, ce qui permet de déterminer l’épaisseur d’une couche avec une plus grande fiabilité. Cette mesure demeure fiable même lors d’un changement de phase cristalline (de stœchiométrie éventuellement différente) au cours de la croissance.

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Croissance couche par couche mesurée en temps réel

La surface des semi-conducteurs est généralement caractérisée par un arrangement atomique distinct de celui en volume, ces réarrangements sont appelés reconstructions. Pour des raisons fondamentales mais également parce que la qualité de l’épitaxie dépend de la reconstruction de départ, il est important de pourvoir identifier et décrire la nature de ces reconstructions. Un autre défi pour GIFAD consiste à identifier ces reconstructions en couplant expérience et théorie.

Une étude, menée cette fois en mode statique, c’est-à dire après une croissance suivie d’un recuit afin d’améliorer la qualité de la surface, a permis de valider l’approche théorique décrivant la diffraction sur une phase particulièrement complexe de GaAs(100). Les résultats, publiés dans Physical Review B [2] , démontrent qu’une approche quantique, seule capable de décrire la complexité du processus de diffraction, reproduit de manière remarquable les structures fines des cartes de diffraction.

Pour la reconstruction β2(2x4), la figure ci-dessous montre l’accord entre expérience et théorie sur la forme du motif élémentaire en forme de chaîne ainsi que sur la structure périodique qui le reproduit. Alternativement aux calculs théoriques, une approche simple basée sur le lancer de rayon (ou "ray tracing", consiste à simuler les trajectoires semi-classiques par des rayons lumineux) sur la corrugation électronique de la surface permet de reproduire la forme de ce motif élémentaire et sa période de répétition (figure 2.c-d).

Figure 2

Figure 2

Intensités relatives des ordres de diffraction en fonction de l’énergie normale incidente dans la gamme 30-120 meV ; comparaison entre les résultats d’un calcul tout quantique (a) et les données expérimentales (b). © : maille projetée de la phase β2(2x4) du GaAs, les équipotentielles à 102 meV et 50 meV sont également représentées. Les interférences entre les trajectoires semi-classiques bleues (ou vert) sont à l’origine de la variation lente en fonction de l’énergie normale (d, gauche) ; les interférences entre les trajectoires bleues et vertes produisent la variation rapide (d, centre) ; les deux cumulées reproduisent bien (d, droite) le motif élémentaire en forme de chaine (insert blanc dans a et b) et sa période de répétition.

Ces résultats montrent que GIFAD, en tant que nouvel outil d’analyse structural, est arrivé à maturité du point de vue technologique mais également sur le plan analytique. Les débouchés en recherche portent sur le contrôle de croissance de couches minces de matériaux allant des isolants aux métaux. Des perspectives d’exploitation de cet outil peuvent également être envisagées en R&D pour la production d’hétérostructures complexes à base de semi-conducteurs et/ou de diélectriques.
Ces résultats montrent que GIFAD, en tant que nouvel outil d’analyse structural, est arrivé à maturité du point de vue technologique mais également sur le plan analytique. Les débouchés en recherche portent sur le contrôle de croissance de couches minces de matériaux allant des isolants aux métaux. Des perspectives d’exploitation de cet outil peuvent également être envisagées en R&D pour la production d’hétérostructures complexes à base de semi-conducteurs et/ou de diélectriques.


[1"Dynamic grazing incidence fast atom diffraction during molecular beam epitaxial growth of GaAs" ;
P. Atkinson, M. Eddrief, V. H. Etgens, H. Khemliche, M. Debiossac, A. Momeni, M. Mulier, B. Lalmi and P. Roncin ; Appl. Phys. Lett. 105, 021602 (2014)

[2"Combined experimental and theoretical study of fast atom diffraction on the β2(2×4) reconstructed GaAs(001)" ; M. Debiossac, A. Zugarramurdi, H. Khemliche, P. Roncin, A. G. Borisov, A. Momeni, P. Atkinson, M. Eddrief, F. Finocchi, and V. H. Etgens ; Phys. Rev. B 90, 155308 (2014)